La peinture artistique

La peinture artistique est une activité passionnante mais difficile. il faut avoir les nerfs solides et un bon moral pour encaisser les inévitables échecs, pour se remettre malgré tout à l’ouvrage jour après jour , semaine après semaine et garder la foi. Nombre de débutants se découragent aux premiers échecs et abandonnent couleurs et pinceaux. Tout le monde peut arriver à un résultat honorable mais, le plus souvent, il faudra du temps, de l’opiniâtreté et un bon moral.

Le meilleur médium pour débuter , l’huile

Contrairement à une idée reçue, je conseille la peinture à l’huile pour les débutants. L’huile sèche lentement ce qui permet de corriger facilement les erreurs alors que avec l’ aquarelle et à l’acrylique, les coups de pinceau sont quasi définitifs. Certains pourront reprocher l’odeur de la peinture à l’huile…mais il existe des médiums et solvants estampillées ” sans odeur “.

LES ORIGINES

Les dessins gravés et rehaussés (ou littéralement – peints .) qui ornent certaines cavernes de l’époque préhistorique, notamment les cavernes d’Altamira, en Espagne, ou de Lascaux, en Dordogne, ser­viront d’introduction.

Aussi belles, par la sensibilité du trait, que les plus belles estampes japonaises, comment ces peintures nous laisseraient-elles indifférents du point de vue technique ? N’ont-elles pas résisté d’une manière déconcertante à tous les agents de destruction ?

Les couleurs qui ont servi à les réaliser n’étaient encore qu’une simple bouillie argileuse, allongée d’eau : quelques terres colorées naturellement par un oxyde de fer ou de manganèse (ocre jaune, ocre rouge, terre d’ombre) et quelques teintures obtenues par la décoction de certaines plantes… Et pourtant l’histoire de la tech­nique picturale commence avec ces premiers essais de décoration I

Vibert la écrit fort justement : • Si rudimentaire que soit ce procédé il contient déjà en germe tous les autres-. Les nombreuses matières colorantes mises aujourd’hui par la nature ou la science à la disposition des peintres sont presque toutes des combinaisons de ces trois principes : l’argile, les sels métalliques et les teintures végétales. .

D’ailleurs l’analyse des peintures rupestres révèle parfois l’emploi d’agglutinants plus efficaces que la simple eau claire : de la graisse, ou de la moelle, servait dans certains cas à fixer les couleurs ; le diluant étant alors à base… d’urine .

L’idée de mélanger de la poudre colorée à un corps gras quel­conque serait donc presque aussi ancienne que celle de délayer de la terre argileuse avec de l’eau. Mais plusieurs milliers d’années devaient s’écouler avant que des oeuvres vraiment dignes de ce nom ne fussent exécutées avec ce procédé.

Le manque de siccativité naturelle de la plupart des huiles explique cette carence : ni la Grèce, ni Rome, ni même l’Egypte, n’ont connu l’usage des huiles siccatives. C’est à la fresque (sans encollage, sur mortier frais), à l’encaustique (résine et cire mélangées à chaud aux couleurs), à la tempera (peinture à l’oeuf émultionnée éventuellement avec de l’huile), parfois même à la simple détrempe, très proche de la gouache, que les artistes de l’antiquité ont eu recours pour exécuter leurs précieuses (et souvent fragiles) déco­rations.

L’EXTRËME-ORIENT

Avant d’aborder l’histoire de la peinture à l’huile en Occident, on me permettra une digression. Si l’usage (encore très limité) de la peinture à l’huile ne remonte pas en Occident au-delà du XIIe ou du XIIIe siècle, en Extrême-Orient l’utilisation de laques (à base d’huiles résineuses) se perd dans la nuit du plus lointain passé.

Busset, dans sa Technique moderne du Tableau, semble avoir démontré qu’en cette matière, comme en tant d’autres, les Chinois ont été encore une fois nos initiateurs.

La technique de la laque ?   De nos jours la technique de la laque n’a plus rien- de mystérieux. L’essentiel en est parfaitement connu :

La gomme qui sert au broyage des couleurs est extraite du Rhus Vernix et de l’Alicia Sinensis ; cette gomme est ensuite addi­tionnée d’huile de camélia et d’huile de thé, dont les propriétés sont très voisines de celles de notre huile d’oeillette et de notre huile de lin.

Le vernis ainsi obtenu est ensuite dilué avec de l’huile de Tong-Yeou (Vernicia Montana), de Tcha-Yeou (huile de camélia) puis additionné, suivant l’effet de plus ou moins grande transparence que l’on désire obtenir, avec du sulfate de fer ou du vinaigre.

Le vernis noir japonais, ou Yean-Tsi, est à base de noir d’ivoire, d’huile de thé et de résine. Le Tchav-Tsi, ou vernis enveloppant, sert aux effets de transparence.

Le support, absolument comparable à celui qu’utiliseront en Occident les premiers peintres à l’huile, est généralement composé par un panneau de bois léger marouflé de soie et recouvert d’un enduit très dur (à base de vernis et de glaise brûlée, ou de grès très fin) qui comporte souvent jusqu’à dix-huit couches poncées et polies.

Malgré l’extrême difficulté du procédé (nécessité de multiplier les couches de couleurs, interdiction de tout repentir et, surtout, consistance visqueuse de la pâte, les inconvénients mêmes dont se plaindront les premiers peintres à l’huile de l’époque médiévale), les Chinois ont su exécuter, à l’aide de leurs laques, de véritables tableaux comportant des modelés et des profondeurs. Il n’est donc pas question ici d’une technique de transition mais d’un procédé vraiment complet, entièrement à l’huile résineuse, aboutissant à la création d’oeuvres parfaitement achevées et d’une solidité incroyable.

(Faut-il ajouter que la Chine eut très tôt des Académies de Peinture chargées de maintenir ses traditions techniques. L’histoire a même retenu les noms de quelques-uns de ses théoriciens : Sie-Ho, Wang-Wei, Kouo-Hi…)

Les Flamands, grands voyageurs, n’auraient-ils fait que trans­poser le procédé du Tsi suivant leur tempérament occidental, en partant de matériaux qu’ils avaient sous la main ?

Historiquement, l’influence des laques chinoises sur l’évolution de la technique picturale en Europe semble évidente. Busset fait justement remarquer que c’est précisément à partir du xie siècle (époque vers laquelle les empereurs de la dynastie mongole atti­rèrent à leur cour les premiers voyageurs flamands, génois et véni­tiens) et davantage encore à partir du début du XV° siècle (époque à laquelle les objets laqués commencèrent à être importés de Chine) que date l’engouement des artistes occidentaux en faveur des cou­leurs à l’huile.

Techniquement la filiation ne pourrait être cependant que très indirecte. Malgré une discipline de travail qui les rendent très proches en apparence, les deux techniques ne sont pas basées sur des éléments absolument identiques.

Les produits employés par l’une et par l’autre ont beau s’ap­peler huile et résine il ne s’agit nullement des mêmes huiles et des mêmes résines. Celles des Chinois ont besoin d’humidité pour durcir complètement, le ferment qui produit la prise de la laque ne se développant qu’en atmosphère saturée d’eau ; alors que les huiles et les résines qu’utiliseront les primitifs auront besoin de soleil, ou tout au moins de chaleur, pour se siccativer.

Inapplicables avec nos huiles et nos résines, le procédé du Tsi a, en outre, un inconvénient qui lui est propre et qui le défendra toujours, semble-t-il, contre toute profanation étrangère : les sub­stances qui composent la laque chinoise sont très dangereuses pour les organismes européens. Aussi les rares industriels qui ont tenté d’acclimater en Europe ce procédé magnifique n’y ont-ils réussi qu’en ayant recours à des artisans chinois, japonais ou annamites.

L’OCCIDENT

Quelle technique était en honneur, dans l’ensemble de l’Occi­dent, au moment où les artistes de l’époque médiévale connurent les laques chinoises et, dans une certaine mesure, s’en inspirèrent plus ou moins directement ?

La Tempera à l’oeuf ralliait alors tous les suffrages.

Les avantages de la peinture à l’oeuf, utilisée en Occident jus­qu’au xve siècle, étaient incontestables : fraîcheur des tons, matité relative, conservation presque miraculeuse en atmosphère sèche, sans le moindre jaunissement de la pâte et, surtout, en raison même de la rapidité du séchage de l’agglutinant, facilité de superposition et pouvoir couvrant remarquables.

La technique à l’oeuf, ou à Tempera ».

Sans entrer dans les détails du procédé a tempera (car la variété des recettes était très grande), retenons seulement que la peinture a tempera des primitifs consis­tait essentiellement dans l’emploi de l’oeuf (oeuf complet, jaune et blanc à la fois, ou seulement soit le jaune soit le blanc) comme agglutinant des poudres colorées ; le diluant étant, tout simplement, de l’eau.

Malgré des variantes qui comportaient parfois l’emploi d’une quantité très notable d’huile et de vernis en émulsion dans l’oeuf et, parfois même, d’un peu de cire, il s’agissait par conséquent, en principe, d’une peinture à l’eau.

A côté des avantages que nous venons d’énumérer, le procédé a tempera présentait donc les mêmes inconvénients que les autres peintures à l’eau : impossibilité de modeler longtemps dans le frais, modification des tons au séchage (légère d’ailleurs, ici), fragilité extrême en atmosphère humide, de sorte que les couleurs broyées avec cet agglutinant à base d’oeuf devaient, le plus souvent, être protégées par un vernis résineux qui en altérait plus ou moins l’harmonie.

Ce dernier inconvénient, surtout, était grave. Pour conserver à leurs couleurs, après dessication, la tonalité qu’elles avaient étant fraiches, comment certains artistes n’auraient-ils pas été tentés de broyer directement leurs pigments dans un vernis huileux ?…

(Ainsi que nous le verrons tout à l’heure, d’autres facteurs, d’ordre esthétique, allaient bientôt rendre plus urgent l’aboutisse­ment de ces recherches.)

Dès le XIIe ou XIIIe. siècle, on peut donc dire que la majorité des peintres occidentaux étaient mûrs pour un changement de technique.

Les tâtonnements qui précédèrent la mise au point du procédé à l’huile furent cependant très longs et très laborieux : en fait ils durèrent plusieurs siècles.

Une technique de transition entre l’huile et la tempera.

Héraclius, dès le xe siècle (croit-on !), décrit parfaitement la fabrication des huiles résineuses destinées au broyage des couleurs, mais n’en demeure pas moins fort embarrassé quant à leur emploi.

Au siècle suivant, le moine Théophile n’en sait guère davan­tage. Après avoir affirmé qu’il était très facile de peindre avec ce procédé des animaux, des oiseaux et des feuillages, il ajoute qu’il est cependant « impossible de superposer couche sur couche avant que la couleur ne soit bien sèche, ce qui pour les images est trop long et trop ennuyeux ».

Cennino Cennini, au XIve siècle, ne possède encore qu’une expérience très courte du procédé nouveau, qu’il présente comme une technique de compromis entre l’oeuf et l’huile. La méthode qu’il préconise consiste toujours à recouvrir de légers glacis à l’huile des dessous exécutés et modelés a tempera.

Ainsi que le fait remarquer Moreau-Vauthier , ce n’est pas encore le procédé complet de la peinture à l’huile mais c’est une manière de transition très répandue à cette époque. D’innombra­bles panneaux, qui semblent, au premier regard, peints entièrement à l’huile, ont, en réalité, été exécutés par ce procédé mixte : dessous à la détrempe et glacis à l’huile.

L’Italie, bien entendu, ne possède pas l’exclusivité de cette technique de transition ; le Nord de l’Europe semble même avoir été très nettement en avance sur le Midi dans la connaissance du procédé à l’huile, encore très rudimentaire sans doute, mais déjà utilisable.

Cennino Cennini l’avouait implicitement lorsqu’il prétendait « enseigner à peindre à l’huile sur mur ou sur panneau, peinture en usage chez les Allemands ».

Mais bientôt la nouvelle méthode se répandra dans toute l’Eu­rope.

Des contrats passés en Artois et en Normandie et datés de 1320 et de 1350 mentionnent des peintures décoratives en fines couleurs à l’huile, alors que Vasari date de 1410 le perfectionne­ment ou, si l’on veut, l’invention de la peinture à l’huile par Van Eyck.

Les huiles de broyage dont les auteurs anciens nous décrivent la cuisson devaient être parfaitement siccatives. Leurs vernis étaient excellents. Que manquait-il donc aux prédécesseurs de Jean Van Eyck pour se trouver à même d’exécuter des compositions entières avec le procédé à l’huile ?

Fort probablement un diluant leur donnant ces facilités d’exé­cution qui nous semblent toutes naturelles aujourd’hui mais qui devaient paraître presque chimériques avant l’utilisation des essences volatiles.

Si Van Eyck n’a pu inventer, à proprement parler, un procédé qui existait déjà bien avant lui, dans quelle mesure l’a-t-il du moins amélioré ? Quel a été son apport personnel dans l’évolution de la peinture à l’huile ?

 

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